Saviez-vous que les politiques alimentaires ont fait leur apparition dans les écoles en 2007 suite à la publication d’un cadre de référence, intitulé « Pour un virage santé à l’école [i]»? Ce cadre de référence visait à soutenir les milieux scolaires dans la création d’un environnement favorable à l’adoption de saines habitudes alimentaires et d’un mode de vie actif. Il était destiné au personnel d’établissements scolaires et ses orientations ciblaient les services alimentaires, les traiteurs, les cafétérias et les machines distributrices.

Beaucoup d’écoles ont vu grand et ont rédigé leur politique alimentaire en englobant aussi le contenu de la boîte à lunch et des collations préparées à la maison. Même si elles se voulaient bien intentionnées, il était pourtant clairement mentionné dans le cadre de référence que l’alimentation des jeunes est une responsabilité partagée entre les parents, le milieu scolaire et l’enfant. Selon ce principe, ce n’est pas l’école qui est responsable du contenu des collations et de la boîte à lunch de l’enfant. Cette responsabilité appartient au parent.

Bien entendu le cadre de référence souhaitait promouvoir la saine alimentation, mais en aucun moment on y parlait de restrictions outre pour la mention de certains allergènes. On retrouvait même conjointement au cadre de références, de magnifiques fiches [ii] [iii] visant à éduquer et à outiller les parents sur la nutrition des enfants, plus spécifiquement sur le contenu d’une boîte à lunch ou d’une collation nutritive. Le ton de ces fiches est positif et informatif et elles contiennent une tonne d’informations pertinentes et elles sont disponibles sur le web si vous souhaitez les consulter.

Et si on prenait le temps de réfléchir sur les restrictions?

Si on interdit le chocolat à l’école est-ce que ce serait logique que les muffins au chocolat et courgettes (faits maison) soient refusés alors que les poptarts aux fraises (commerciaux) seraient permis? C’est vrai que la ligne est difficile à tracer et qu’il peut être compliqué pour le personnel de faire la part des choses sans pénaliser un enfant. Alors comment pourrions nous nous assurer de l’efficacité, mais surtout de la bienveillance des politiques alimentaires?

Qui fait aujourd’hui le suivi de l’application de ce cadre de référence vieux de 12 ans? Voilà en gros la question qui m’est régulièrement demandée tant par des parents, des professionnels ou par des organismes qui jouent un rôle dans la promotion de la santé.

La réponse? Depuis 2012, lors du changement de gouvernement, ce cadre alimentaire est tombé dans l’oubli et il n’y a eu aucun suivi depuis concernant son application depuis 2007. Beaucoup de politiques alimentaires n’ont jamais été révisées et bénéficieraient d’une mise à jour.

Pour aider les écoles à actualiser leur politique alimentaires, la coalition québécoise sur la problématique du poids, s’est penchée sur la question et a dégagé plusieurs constats avant de formuler des recommandations au gouvernement dans le document « Alimentation à l’école – Constats et recommandations : Virage santé à l’école, 10 ans plus tard »

Constats principaux

L’offre d’aliments et de boissons à l’école :

  • L’offre de boissons est sous-optimale (des boissons avec sucre ajouté ou édulcorants sont proposées par certaines écoles)

  • L’offre d’une variété de jus de fruits est encouragée, ce qui dissone avec les connaissances actuelles (l’eau n’est pas disponible dans ou près des lieux de repas de nombreuses écoles)

  • L’accès à l’eau entre les repas n’est pas toujours favorisé

  • La qualité nutritive des collations proposées est souvent insuffisante

  • Certaines écoles ont réintégré des aliments moins nutritifs dans leurs services alimentaires scolaires en raison d’enjeux de rentabilité et de concurrence avec les restaurants rapides environnants

Le contexte de repas et des collations

  • Un contrôle inadéquat des boîtes à lunch est fréquent

  • Des critères de qualité nutritive sont imposés aux parents pour les boîtes à lunchs et les collations, plutôt que suggérés

  • Certains intervenants inspectent et retirent des aliments des boîtes à lunch

  • Le contexte de la prise des repas et des collations n’est pas toujours adéquat; On observe dans certains milieux : des collations et repas offerts dans un laps de temps trop rapproché, des aires de repas peu conviviales ou mal aménagées, des périodes de temps insuffisantes pour la durée du repas, certaines pratiques d’encadrement inappropriées et défavorables à l’apprentissage d’une saine alimentation et d’une relation positive avec la nourriture (ex. : imposition du silence, présentation de films pendant les repas, etc.) *Au primaire, seulement 15 % des enfants fréquentant le service de garde mangent dans des locaux dédiés à l’alimentation.

Le développement de compétences alimentaires et culinaires

  • De grandes disparités sont observées entre les écoles concernant la présence et la fréquence des opportunités offertes pour développer les compétences alimentaires et culinaires en classe, en parascolaire et au service de garde

  • Il n’existe aucun portrait des activités d’éducation et de promotion réalisées dans les différents milieux sur la saine alimentation

  • En général, les activités permettant le développement des compétences alimentaires et culinaires reçoivent peu de soutien

Recommandations principales

  • Recadrer la portée de la Politique-cadre, en précisant que les critères de qualité pour l’offre alimentaire ne concernent pas les aliments entrant dans l’école par le biais des boîtes à lunch et des collations.

  • Guider les écoles à l’égard de l’encadrement et du contexte de la prise des repas et des collations (fréquence, moment, type, bonnes pratiques), de la gestion des allergies alimentaires et de l’offre alimentaire lors des occasions spéciales.

  • Offrir une formation de base obligatoire à tout le personnel des écoles qui assurent la surveillance des dîners, afin qu’ils contribuent de manière positive au développement des compétences alimentaires des jeunes tout en favorisant une relation positive avec la nourriture.

Une belle formation disponible…

Depuis 2016, l’association québécoise de la garde scolaire offre une formation destinée au personnel de garde scolaire. Cette formation, appelée « Ensemble pour des contextes de repas plus conviviaux » [v] vise à rendre l’ambiance du dîner favorable à la saine alimentation, à la socialisation et à l’autonomie de l’élève. Elle met aussi de l’avant les bonnes pratiques en promotion de la saine alimentation et permet d’atteindre les objectifs de la politique-cadre pour un virage santé à l’école, ceux du nouveau guide alimentaire canadien ainsi que ceux de la politique de la réussite éducative.

Dans cette formation, on dénonce la notion d’aliments interdits et on va même jusqu’à donner des trucs pour « éliminer la pratique de la police de la boîte à lunch où des élèves se font confisquer ou doivent ramener à la maison des aliments considérés comme interdits à l’école » [vi]. On en profite aussi pour expliquer qu’il est faux de croire que si on permet les bonbons et le chocolat que les parents exagéreront et en mettront à tous les jours dans la boîte à lunch de leur enfant.

Les régimes stricts ont démontré depuis belle lurette que le fait d’interdire des aliments ne fait que les rendre plus attirants. Sur le site de garde scolaire, on explique clairement qu’en levant les interdits et en laissant les enfants manger selon leur appétit, ils réaliseront tranquillement qu’ils se sentent mieux lorsqu’ils mangent des aliments nutritifs. En bref, on souhaite transmettre des messages positifs plutôt que négatifs pour encourager des comportements qui seront eux aussi positifs.

Cette formation souligne aussi le fait que tous les aliments ont leur place dans une alimentation équilibrée et que tout est une question de fréquence, de quantité et de qualité. Il est important de savoir qu’il est impossible d’évaluer l’alimentation d’un enfant en se basant sur un seul aliment, une collation ou le contenu d’une boîte à lunch. La qualité de l’alimentation s’évalue sur un ensemble de repas, voir même plusieurs journées ou semaines.

Dans le guide d’accompagnement, on suggère une causerie à faire avec les enfants, dans laquelle on leur explique qu’ il n’y a donc pas de « bons » et de « mauvais » aliments. Par le biais du jeu et de la discussion, on souhaite faire comprendre aux enfants que les aliments moins transformés sont plus nourrissants et qu’on devrait les consommer plus souvent tandis que les aliments qui contiennent plus d’ingrédients et qui sont plus transformés devraient être mangés occasionnellement, mais qu’ils ont tout de même leur place au sein d’une alimentation équilibrée[vii]. En bref, ce on souhaite faire comprendre aux enfants c’est que tous les aliments qui existent peuvent faire partie d’une alimentation équilibrée, mais que selon leur valeur nutritive, certains devraient être consommés plus ou moins souvent, mais jamais interdits.

Dans la formation, on préconise l’approche démocratique. On y explique que l’école doit offrir une structure alimentaire sans mettre de pression sur l’élève et on rappelle aussi que le rôle des intervenants de l’école est d’influencer positivement les enfants en servant de modèle [viii]. Même si l’alimentation touche tous et chacun de manière personnelle, il est important que les intervenants mettent de côté leurs croyances et valeurs personnelles puisqu’elles pourraient influencer à tort les enfants. Par exemple, Brigitte ne devrait pas dire aux enfants que les produits céréaliers font engraisser ou qu’ils ne sont pas bons pour la santé parce qu’elle suit un régime cétogène.

Le partage des responsabilités

Dans cette formation, on explique clairement le principe des responsabilités partagées et comment l’appliquer pendant les repas pris sur les lieux scolaires.

Les parents : Sont responsable du « QUOI » C’est-à-dire du contenu des collations et de la boîte à lunch de leur enfant

L’école : Est responsable du « QUAND », du « OU » et du « COMMENT » C’est-à-dire de déterminer les heures, les lieux et l’ambiance des repas

L’enfant : Est responsable du « COMBIEN » C’est-à-dire de la quantité qu’il mange selon ce que son corps lui réclame

Pour plus d’information, il est possible d’accéder gratuitement à une multitude de ressources gratuites sur le site internet de l’association québécoise de la garde scolaire[x].

En résumé

Pour terminer, je vous invite une dernière fois, à consulter le site internet de l’association québécoise de la garde scolaire pour y lire l’article [xi] intitulé : Boîte à lunch sous enquête qui résume bien les grandes lignes discutées dans ce document. La nutrition est une science en constante évolution et vous comprendrez, qu’en douze ans bien des changements se sont passés et qu’il est grand temps de se remettre en question.

Ce texte ébranle peut-être certaines de vos convictions, mais son but est simplement de porter matière à réflexion. N’hésitez pas à le transmettre à vos directions pour ouvrir une porte à la discussion !