On est presqu’en 2020. On parle constamment de body shaming et de grossophobie. On se bat contre l’intimidation dans les écoles. On prône la diversité corporelle et on parle de plus en plus du concept de la santé sous toutes ses formes. On répète que ce sont les habitudes de vie qui pèsent dans la balance et non le poids. Quelle serait votre réaction si votre enfant revenait avec cet exercice de lecture en devoir…
Personnage : Le père Noël
Sa mission : Cette année le père Noël a mangé beaucoup de biscuits de la mère Noël et il a pris trop de poids. Le 22 décembre, il essaie son costume et il se rend compte que celui-ci est trop petit. Il doit absolument perdre du poids avant le soir du 24 décembre sinon il ne pourra pas faire la distribution de cadeaux.
L’enfant devait, dans ce devoir, trouver trois actions pour aider le père Noël à perdre du poids…
Thank god il ne s’agit pas du devoir de MON enfant car j’aurais probablement disjoncté. Ce devoir me ramène directement à un exercice de mathématique que j’ai eu à faire en 4e année. Le genre d’exercice où tu dois faire une tonne de calculs car la mise en scène t’explique qu’un enfant est trop gros et qu’il doit maigrir… Le genre d’exercice pendant lequel j’ai fixé l’horloge perdue dans mes pensées en me demandant dans combien de minutes ce supplice finirait et que la récré arriverait… Le genre d’exercice après lequel ma prof est venue me demander si j’étais correcte car moi, la bollée de la classe, j’avais un air pensif et absent… Ce genre d’exercice de MARDE qui pointe du doigt un enfant qui se fait déjà écœurer par la moitié de sa classe en raison de son surpoids… C’est NON tout simplement!
Come on! Je reçois chaque semaine des messages de parents à bout de ressources qui cherchent un moyen d’aider leur enfant victime d’intimidation en raison de leur poids. Ça me tue!!!
J’écoute ces parents qui viennent à moi, je tente de les supporter du mieux que je peux et la phrase que je leur répète le plus? ON NE FAIT JAMAIS MAIGRIR UN ENFANT. On intervient avec un enfant en modifiant les habitudes de vie familiales, ce qui inclut l’alimentation et l’activité physique. On agit en modèle pour notre enfant et on se traite en tant que parent de manière positive.
Il est clair que si je passe mon temps à dire que je dois perdre du poids et que je me trouve laide que mon enfant enregistrera ce message et qu’il reproduira mes comportements. Je souhaite transmettre des messages positifs à mes enfants. Je suis over mon poids santé et sais-tu quoi? Je mange bien et je m’entraîne entre 2 à 5 fois par semaine depuis 1 an. Je pète le feu, je déborde d’énergie et je suis en santé. C’est ça qui compte. Je ne parle pas de mon poids devant mes enfants. Je leur inculque l’importance de bouger et de bien manger. C’est ça qui importe… Être un modèle!
Le rôle du père Noël est aussi d’être un modèle. Il est un modèle de gentillesse, de générosité, d’empathie et de partage. Est-ce qu’on peut lui foutre la paix avec son poids svp? Pouvons-nous svp, faire plutôt des exercices d’écriture ou de lecture sur l’importance de prendre soin des autres ou encore sur les valeurs positives associées à Noël?
Voici un résumé des réponses de l’enfant qui avait ce devoir à faire :
Action 1 : Il a mis le père Noël au régime, mais il a flanché peu de temps après en mangeant une énorme tarte au citron
Action 2 : Mère-Noël lui a interdit l’accès à la cuisine, mais ça n’a pas fonctionné longtemps puisque dès qu’elle a eu le dos tourné, le père-Noël a dévoré une autre tarte au citron.
Action 3 : Le père Noël a tenté de faire du sport. Ça a fonctionné un peu, mais pas autant que souhaité. Mère-Noël lui a donc cousu un nouveau pantalon à sa grandeur.
Alléluia… Cet enfant a compris que la restriction conduit à l’excès, puisque ses deux premières solutions ont été vouées à l’échec, mais réalisez-vous que cet élève a dû réfléchir à « comment on fait maigrir quelqu’un »? C’est tellement triste…
Pouvons-nous retirer les concepts de perte de poids des écoles svp? Exit les maudites politiques alimentaires bidon. Ce n’est pas le rôle des écoles de toucher à l’alimentation ou au poids des enfants. Zéro commentaire sur le poids, il y a des campagnes de pub partout sur le sujet, mais on dirait ce n’est pas encore assez clair.
Le vœu de Noël le plus cher de beaucoup de nutritionnistes? Que les restrictions alimentaires cessent. Que la société accepte que tous les aliments font partie de l’alimentation et qu’il n’existe pas de « bons » ou de « mauvais » aliments. Les méthodes de contrôle sont « out ». Adios les régimes et les liens poids-aliments. Apprenons à nos enfants à écouter leurs signaux de régularisation interne (faim/satiété) et soyons dans la prévention et non dans la privation. Encourageons-les à développer une belle estime de soi et misons sur leurs qualités et leurs forces plutôt que sur leur apparence physique.
Je rêve du jour où des nutritionnistes travailleront dans les écoles. Il y a trop peu de ressources en nutrition dans les commissions scolaire présentement (on parle de quelques heures ici ou quelques heures par-là dans la majorité des cas). Alors nous les parents, mettons nos culottes et éduquons les écoles… Si vous recevez un devoir de la sorte, répondez de manière intelligente!
En bref voici ce que je répondrais si c’était MON enfant qui avait reçu ce message :
Cher professeur, je vous remercie de vous préoccuper de la santé du père Noël puisque nous voulons aussi son bien. Après réflexion, mon enfant et moi avons décidé que ce n’était pas une bonne idée de faire maigrir le père Noël puisque nous pourrions empirer le problème en posant de mauvaises actions.
Nous avons donc pensé à 3 solutions qui pourraient l’aider à développer une saine relation avec les aliments et à prendre soin de lui.
1) Écouter ses signaux de faim et de satiété, c’est-à-dire s’assurer d’avoir une vraie faim avant de manger les bons biscuits de mère Noël. On lui suggère aussi de s’asseoir confortablement pour les déguster au lieu de les manger en cachette et des les accompagner d’un bon verre de lait protéiné ou d’une boisson végétale s’il souhaite varier son menu et découvrir de nouvelles saveurs.
2) Équilibrer son alimentation en faisant une place à tous les aliments. Il pourrait manger régulièrement des aliments nutritifs comme des bons grains entiers, des protéines et beaucoup de fruits et légumes. Il peut, bien entendu manger encore les délicieux desserts de mère Noël, mais pour se sentir bien, il pourrait les alterner avec des desserts nutritifs comme du yogourt ou des fruits qui regorgent de vitamines.
3) Prendre soin de lui! Le père Noël doit être très fatigué par son travail… Vous savez l’énorme production de jouets, les grands voyages et les horaires atypiques doivent lui causer un stress immense qui est très nocif pour la santé. Le père Noël pourrait se trouver une activité qui lui permettrait de bouger pour le plaisir parce qu’on sait qu’être actif nous aide à avoir de l’énergie et se sentir en forme. Il pourrait participer à des batailles de boules de neige ou des courses en folie avec les lutins! Il pourrait aussi se permettre de beaux moments de relaxation puisqu’il n’y a rien de tel comme se prélasser dans un bain moussant à la canne de bonbons après une grosse journée de dur labeur!
Alors voilà! Je souhaite ardument que vous n’ayez pas à gérer ce genre de devoirs, mais advenant le cas n’hésitez-pas à utiliser ma réponse et à la modifier.
Si ce billet vous a fait réfléchir et qu’il a suscité des questions quant à votre approche avec votre enfant, n’hésitez pas à m’écrire pour discuter de mes services puisque mon travail est d’aider les familles à résoudre les casse-têtes alimentaires et que le poids en est tout un!
Mélanie Magnan,
Nutritionniste en pédiatrie fondatrice de nutrimini
Maman de 2 tannants